Remorques vélos, Carla et Charrette

Alors même que la logistique urbaine passe de plus en plus par le vélo, que certains particuliers ou artisans s’efforce de se désintoxiquer des énergies fossiles, se posent les questions de la capacité de charge, et de la flexibilité dans le choix du véhicule. Si le biporteur et le triporteur conviennent à ceux qui sont très souvent chargés (mais pas trop) et qui préfèrent voir le chargement en question et la largeur de leur véhicule pour se faufiler sans friction, un autre choix peux être pertinent dans bien des cas, celui des remorque, auquel est essentiellement dédié cet article.

La remorque a avant tout cet atout qu’elle est détachable, et permet donc un véritable retour à vide, un stockage indépendant, peut être prêtée ou permutée d’un vélo à l’autre, même un vélo non-motorisé si la remorque a son propre moteur. On ne s’interdira pas, évidemment de l’atteler à un vélo cargo, et de se donner ainsi une capacité de charge qui rivalise avec une break ou une camionnette. Encore faut-il une grosse remorque.

Le modèle Carla Cargo

Remorque Carla à Münster

On a presque tous vu ou entendu parler du modèle Carla Cargo, développé outre-Rhin. L’essentiel du modèle est open source, ce qui n’a pas empêché l’émergence d’une société spécialisée dans sa construction. Ce fait est suffisamment notable, puisqu’il contredit jusqu’à aujourd’hui l’idée que l’open source n’a pas de modèle économique viable. Il serait intéressant de savoir comment les membres de cette équipe voient ce défi, mais on peut parier que la confiance, la transparence, la réparabilité et l’éthique de la non-propriété intellectuelle savent convaincre les acquéreurs. Ses caractéristiques et performances certainement aussi, si on regarde de près. Avec une capacité de charge de 200 kg et 1650x 650mm d’espace libre et un système de freinage inertiel, il peut rendre bien des services, en particulier pour de la livraison urbaines. Il existe en versions simple et motorisé.

Carla Cargo
Remorque Carla à Münster

Le modèle de la charrette

Similaire à ce modèle en certains points, la CHARRETTE a été développée et documenté par l’association Véloma, à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, avec le soutien financier de l’ADEME. Il est également open source avec les plans accessible donc, sur sa page web dédiée. Le modèle d’origine est conçu avec une dimension intérieur de 1650×650 mm également, avec des ridelles de 350 mm de hauteur. Dans les deux cas on peut donc charger en longueur deux demi-palettes Europe, puisqu’elles mesurent 800×600 mm. Ce châssis peut quant-à lui porter jusqu’à 300 kg de charge. De même, il dispose de son freinage inertiel, et peut être motorisé. Dans les deux cas aussi, c’est le timon qui abrite le mécanisme qui capte les différences de vitesses entre remorque et véhicule tracteur, combinant ainsi la coupe du moteur et l’activation du frein. Un tel système permet que la remorque soit autonome en puissance, elle ne pousse pas le vélo, ainsi sa puissance électrique peut dépasser largement les 250w sans limitation légale, un soutien décisif pour de lourdes charges.

charrette- cuisine mobile
Cuisine mobile

Comparaison Charrette / Carla

Les modèles ainsi considérés semblent donc presque identiques, mis à par la différence de capacité de charge non négligeable, de 100 kg supérieure. Mis à part l’esthétique, y a-til des différences notables ?

Ridelles ré-haussées sur ce sound-system mobile

À y regarder de près, la principale différence est la garde au sol, et la hauteur des ridelles. La Charrette a une garde au sol de 195 mm contre 154 mm pour la Carla. Les ridelles de cette dernières mesurent 130 mm de haut, contre 354 mm pour la charrette. (Dans les deux cas la mesure se fait du haut des tubes du châssis à au haut des tubes horizontaux de ridelles, ie sans soustraire l’épaisseur du plateau). Les conséquences de telles configurations : le centre de gravité de la Carla est 40 mm plus bas en charge, si on néglige le poids de la remorque elle-même. le risque de se heurter à un obstacle, trottoir notamment, est par contre accru par rapport à la Charrette. Par ailleurs les roues arrières de la Carla dépassent des ridelles contrairement à la Charrette, qui peut ainsi plus facilement transporter une charge dépassant la largeur desdites ridelles, en posant simplement et fixant simplement la charge sur celles-ci. La hauteur des ridelles de la charrette est telle que son centre de gravité à vide permet aussi de la stocker sur son arrière, prenant ainsi bien moins de place au sol.

Une dernière différence repose dans la configuration des tubes et la modularité des designs. La Carla est faite en tube ronds et cintrés dans sa version commerciale, et propose des modules à y fixer, moyennant finance. La structure de la charrette est quant-à elle construite exclusivement avec des tubes carrés de 25x25mm, dans lesquels on peut facilement télescoper des tubes de 20×20, ou encore des ronds. Rien n’empêche de prévoir à l’avance de la fabriquer avec des trous et écrous soudés pour permettre à des vis de maintenir stables les tubes emmanchés dans ceux de la charrette. A partir de là l’imagination est reine. Certains maraichers en ont déjà fait des stands de vente de légumes, Véloma y a joint un sound system, un toit fait de panneaux photovoltaïques, un four solaire parabolique, un haillon de chargement de transpalette….

Four solaire, cuisson rapide.

On peut considérer que chaque remorque reflète l’urbanisme d’où elle a été conçue. La Carla sera légèrement plus stable dans les virages, pour une messagerie performante dans des zones urbaines vastes dotées de rampes parfaites pour passer de la route aux pistes cyclables sur les trottoirs (on pense à Berlin typiquement) , tandis que la charrette sera plus versatile en cas de trottoir ou obstacles à traverser, plus adaptée à un usage rurale ou péri-urbain, avec la possibilité d’y charger des formes et dimensions plus variées. Chacune a ses avantages dans des contextes exclusifs. On peut garder à l’esprit que dans de nombreux lieux la voirie reste peu conçue pour le vélo, les rampes de trottoir sont rares, ou pentues, et requièrent donc une garde au sol plus importante, quitte à ralentir légèrement dans les virages en cas de risque de bascule. Combinée à la modularité des emmanchements de tubes carrés et ses infinies possibilité, on peut définitivement dire que la charrette gagnerait à être mieux connue.

Ludothèque mobile
Ludothèque déployée

Une dernière considération digne d’attention porte sur l’évolutivité des deux projets. Si la Carla était conçue au départ en tant que véhicule open-source, on peut regretter des manques à sa documentation. Celle ci ne renseigne absolument rien sur le mécanisme actuel du timon visant à faire tampon entre le véhicule tracteur et la charrette. Un carter le cache, littéralement une boîte noire, on est en droit de s’interroger sur les motifs de cette opacité. La version documentée est ancienne est rustre, il s’agit d’un emmanchement de tube sans roulement, avec les frictions, bruits et usures qu’on peut deviner. La charrette articule quant-à elle les deux parties du timons avec un roulement linéaire.

Des essais ont été menés par Véloma pour un capteur de force avec asservissement PID du moteur, mais sans succès importants. Le pilotage se fait jusque-là avec une manette de gaz et une coupure par bouton poussoir si la charrette commence à pousser le vélo. Ce pilotage est plus intuitif qu’il n’y paraît, on trouve facilement la prise en main adéquate de la manette. Mais la combinaison du frein inertiel, du bouton de fin de course actionnant le frein moteur et de la manette de gaz conduisent certains conducteurs maladroits à l’équivalent d’une surréaction oscillatoire, avec quelques à-coups dans l’accélération. Il faudrait un travail d’ingénierie permettant à la fois une amplitude de course dans un sens pour la régulation de la puissance du moteur, et la course déjà existante dans l’autre sens (celle amortie par le ressort pour la régulation mécanique du freinage, déjà opérationnelle et largement satisfaisante). Le modèle reste perfectible, bien que satisfaisant.

Si les deux modèles restent conçus et dimensionnés pour deux demi-palettes europe, rien n’empêche avec un peu de travail de revoir les plans et de s’adapter. Ainsi du sound system ci-dessus, re-haussé, ou du modèle fait par mes soins ci-dessous, le premier, pour de l’apiculture, car il permet de charger deux ruches en largeur.

Charrette apicole

Cela équivaut de fait à une palette Europe. Pas très pratique pour se faufiler en ville, cela ne pose pas de soucis puisqu’elle est conçu pour usage champêtre et tout terrain. Avec 1500 watts, une batterie de 48V13A, des roues arrières à toute épreuve (axes d’acier plein de 15mmm, roulements en céramiques, rayons inox, jantes Kargo II à œillets, disques de frein de 203mm de diamètre) un pneu tracteur Schwalbe Pick-Up, cette remorque ne fait pas la timide dans l’effort. Seule limite, elle patine dans les côtes enherbées.

Charrette Apicole – jusqu’à 12 ruches de capacité en les sanglant.

Cet usage tout terrain et versatile invite à repenser aux charmes et défauts de l’inox. Cette charrette est elle en acier, et a été bien plus longue que j’imaginais à peindre. Il est certes possible de passer par une entreprise de peinture industrielle pour un résultat plus durable, au polyester. Mais toute modification, soudure, perçage du châssis suppose de toute façon de repeindre par dessus, ce qui ne serait pas le cas de l’inox, qui sera par contre plus difficile à re-percer à la main. En conclusion, il est préférable de bien réfléchir à la modularité attendue de sa remorque, avant de la construire ou faire construire.

(Merci encore à Véloma pour les images tirée du site charette.bike, et à Véloma et Adrien pour le timon inox que je n’aurais pas eu le temps de finir avant l’exposition du 3ème salon des véhicules intermédiaires, en décembre 2024 à Laval.)

Plongée dans le monde des CNC

J’ai passé beaucoup de temps récemment à m’initier aux machines-outils à commande numérique (CNC). Apprendre à m’en servir, en construire, apprendre à en construire. Cet article est une introduction à ces défis, à leur nécessité, à l’étendue de ce que les procédés de fabrication en CNC permettent.

Au sommaire :
Pertinence et usages des CNC
Mes choix de matériels, construction et logiciels
Compétences requises
Mes projets de CNC à court et long terme

Pertinence et usages des CNC

S’il est possible réaliser des véhicules par la seule dextérité de ses mains, il faut aussi reconnaître les limites d’une telle pratique. La fabrication d’un véhicule passe par des opérations de grugeage des tubes afin de pouvoir en souder les jointures. On parle aussi de gueule de loup, lorsqu’il s’agit de gruger une extrémité. Les joints à souder doivent s’approcher de la perfection. Si de la matière dépasse, l’assemblage ne pourra pas se faire, les pièces ne rentreront pas l’une contre l’autre. Si on retire trop de matière, la soudure sera hasardeuse, il y aura effondrement du bain de fusion (on fait des trous) ou pire encore, il y aura une déformation thermique, avec des risques important de perte de symétrie du cadre. Il est possible de gruger à la main, avec une meuleuse, ou encore d’utiliser un outil prévu pour. On peut faire une grugeuse qui se contente de positionner une perceuse et sa scie cloche dans la bonne position et orientation par rapport à un tube. Je n’ai jamais utilisé cette outil, mais je doute de son efficacité sur des usinages en série, a fortiori si l’axe de la perceuse n’est pas concourant à l’axe du tube à découper, ce qui peut arriver.

Quand on s’interroge sur les possibilités d’usinage face à ce défi, on n’en vient forcément à découvrir le monde des CNC, et vouloir en savoir plus. J’ai rapidement décidé d’en faire une qui ferait de la découpe plasma. C’est moins contraignant en terme de rigidité de la machine, puisque la torche n’entre pas en contact avec la matière travaillée. Aucune force donc, ne contraignant la position relative de l’outil (la torche plasma) et la matière, si ce n’est un insignifiant flux d’air comprimé employé par ce procédé. C’est un aspect important quand on découpe des tubes, car pour ce faire on utilise un 4ème axe, outre les trois axes du plan cartésien de mouvement de la torche. Ce quatrième axe est celui de la rotation du tube ou profilé sur son propre axe. Il faut pour cela mouvoir le tube par le biais d’un mandrin, similaire à celui des tours à métaux. Le tube n’est tenu que par une extrémité si on découpe l’autre extrémité, et une contre-pointe est de toute façon d’un secours limité, avec la souplesse du tube à découper, la variabilité de sa longueur (et donc de la position de la contre-pointe) on ne peut pas réaliser facilement une opération de fraisage satisfaisante. Le plasma est en outre bien plus rapide. Le choix entre plasma et fraisage reste discutable, je pense que le fraisage reste faisable et serai ravi à l’avenir de disposer d’une machine pouvant le faire, mais c’est un défi difficile pour un usineur débutant. J’ai donc choisi la CNC plasma, avec un 4ème axe, c’est déjà assez complexe.

Après bcp de travail de fabrication et mise au point, voici un premier aperçu de que peut faire la machine. Les ajustements en vitesse de coupe permettront à terme des rebords encore plus nets et propres.

Mes choix de matériels, construction et logiciels

Pour les curieux ou personnes en recherches de références, je me suis basés sur les logiciels, architectures et matériels suivants :

Logiciels :
CAO : FreeCAD
FAO : SheetCAM & son plugin rotary axis
Firmware de la CNC : GrblHAL
MPU et Break-out Board : Teensy 4.1 et T41U5XBB de Phil Barrett ; stream par cable Ethernet (éviter arduino par USB si vous avez des interférences électromagnétiques)
Streamer et configuration software de la CNC : Io Sender (Terje Io est aussi le développeur derrière GrblHAL)
A envisager pour simulation : GrblGRU (voire même pour usage en streaming, mais seulement par port USB)

Géométrie/architecture de la machine : Le modèle de JD Garage à l’origine, trouvable sur Youtube. J’ai du le modifier depuis, beaucoup de défauts et de limite, beaucoup de travail et temps perdu. Les designers ne sont pas constructifs sur la possibilité d’améliorer, de contribuer. A posteriori, et pour différentes raisons, Pas cher à construire financièrement, mais JE NE RECOMMANDE PAS.
A privilégier ou étudier pour une CNC polyvalente à terme : modèle PrintNC avec adaptateur d’outil à concevoir pour y fixer torche plasma/broche de fraisage/laser.

Driver et élec de puissance:
Alim 36V
Drivers : TB6600 à éviter, trop fragile et DM556 = ok
Moteurs NEMA23, au minimum 3A et 2Nm, y compris pour l’axe Z
Connecteurs aviation GX16
Câbles blindés, bien dimensionner le diamètre selon longueur et courant

Générateur plasma :
-HC8000 de HeroCut, avec torche droite pour CNC, rallonge de torche 8m
-génrérateur ParkSide en appoint ou pour faire des tests, usage manuels aussi ; pas cher, HF émet des interférence électromagnétique

Imprimante 3D pour fabrication des pièces :
Ender 3 d’occasion, attention, requiert tout de même un peu d’apprentissage et de maintenance. Logiciel slicer : Prusa Slicer

Compétences requises

Une CNC coûte cher, surtout si on des besoins bien spécifiques, c’est souvent pour cela qu’on préfère la fabriquer soi-même. Mais l’auto-fabrication réserve bien des surprises, est largement plus chronophage que ce que l’on imagine. Fabriquer et exploiter une CNC repose sur des compétences variées :

-design et conception assisté par ordinateur ; avec le logiciel de son choix. J’encourage vivement FreeCAD, opensource et assez ergonomique depuis sa version 1.0, plein de fonctionnalités. Il s’agit d’une part de créer et fabriquer les pièces pour monter la CNC et s’assurer de sa bonne géométrie, d’autre part d’utiliser le logiciel pour dessiner les pièces à usiner

-impression 3D ; pour réaliser les pièces d’assemblage de la CNC quand on a pas de fraiseuse. De nombreuses pièces complexes sont requises, dans lesquelles insérer des roulements, vis, écrous, guide linéaires, fixer moteurs et poulies. L’impression 3D est aujourd’hui largement étudiée et sollicitée pour faire des CNC abordables. Les principaux défauts sont d’une part la faible résistance à la chaleur (surtout dans le cadre de la découpe plasma : pièces qui fondent ou se déforment, à réimprimer, il faut faire sinon des carters de protection en métal) et d’autre part la relative flexibilité (surtout pour le fraisage sur matériaux durs, qui requièrent une machine très rigide ; certains font d’abord une CNC en pièces imprimés, pour pouvoir ensuite usiner de l’aluminium afin de remplacer les dites pièces)

-mécanique : évidemment, il s’agit de faire des assemblages, juger de la tension des courroies, de la puissance des moteurs d’ajuster le jeu des roulements, percer et tarauder dans le métal sans casser les tarauds, dans le plastic sans l’arracher, de refaire ou améliorer des pièces après un deux crashes de machines, inévitables comme erreur de débutant, apporter une rigidité suffisante pour l’ensemble

-électronique ; on part la fleur au fusil, sans se douter de certains risques. Les interférences électromagnétiques sont un véritable cauchemar pour les débutants optimistes. Il faut adopter un ensemble de bonnes pratiques de compatibilité électromagnétiques dans la construction de sa CNC. Protéger l’électronique sensibles par un ensemble de moyens et limiter / contenir les sources d’interférences, au moyens de filtres RC, opto-coupleurs, mise à la masse des carters. C’est en particulier le cas en présence d’une torche plasma à amorçage haute fréquence, ou d’un variateur de vitesse (VFD) pour une fraiseuse ou un tour. Avant-même ces défis, il s’agit de savoir correctement souder différentes épaisseur de fil électrique, du PCB sans endommager les circuites intégrés minuscules à côté , de savoir dénuder, isoler et blinder proprement des soudures entre fils blindés, flasher une carte électronique, bien référencer les multitudes de fils pour s’y retrouver, s’approvisioner en matériel électronique exotique…

-des compétences plus générales en terme de créativité pour répondre à des problèmes inattendus, et d’analyse pour diagnostiquer les causes de ces problèmes, surtout quand les causes sont multiples ou peuvent l’être

-enfin une bonne dose de volonté, si ce n’est de l’acharnement, pour persévérer malgré tous les obstacles imprévus.

En résumé, un avis aux curieux : Les CNC ouvrent de nombreuses possibilités, en terme de travail de matériaux variés, avec une vitesse et une précision inégalable par le travail artisanal, mais leur usage repose sur des compétences variées, éventuellement longues à toutes acquérir. Il faut une sacré dose de patience, d’effort et d’optimisme si on veut en venir à bout. L »autre possibilité est celle d’acheter des machines toutes faites, on y gagne bcp de temps, au risques de se voir limité dans les usages qu’on peut en faire.

Mes projets de CNC à court et long terme :

Avec beaucoup de temps devant moi, je réaliserais un routeur du modèle PrintNC, qui peut se monter avec des pièces imprimées en polymères plastiques, puis à partir de cette première version refaire les pièces en fraisant dans aluminium, ce qui rendrait la machine capable de fraiser même de l’inox ! Je voudrais cependant qu’elle est ait la même surface de travail que ma machine actuelle, presque 2x1m, ce qui rend incertain ou plus complexe une telle performance. La rigidité et la performance d’une CNC, c’est tout un travail d’ingénierie.

J’aimerais également avoir un petit tour à commande numérique, dans l’idéal avec contrôle de la vitesse de broche pour pouvoir faire des filetages. Le tour est très utile en mécanique cycle, qui repose beaucoup sur des profilés ronds, des ajustements précis de diamètres et parfois des enmanchements en force.

Mais il s’agit d’avoir un sens des priorités. La construction et le réglage de machines, tout cela est instructif et puissant mais chronophage, autant d’investissements qui ne sont pas amortis rapidement. Dans un premier temps je serai content d’exploiter correctement ma machine :

-bien calibrer ma découpeuse plasma, selon différentes vitesses de coupe, taille de buse de torches, matériaux et intensité.

-poser le portique de l’axe »X » sur ses des deux côtés, jusque là il est en porte-à-faux, porté sur une seule extrémité par une navette « Y » sur un rail de guidage. Ce porte-à faux est problématique dès que la navette X s’éloigne de son origine et du rail de guidage déjà installé. Mon 4ème axe, l’axe rotatif, pour découpe de tubes et profilés, est proche du rail Y et donc de l’origine de X, donc pas de problème pour lui. Par contre la découpe de tôle est précaire pour le moment, même avec un « Torch Height Controler(THC), je parie, qui est encore à installer. Il s’agit donc d’installer un deuxième rail de guidage  » Y’ « à l’autre extrémité du portique, de bien calibrer son parallélisme au premier rail Y, et bien calibrer son interrupteur de fin de course afin que les moteurs en miroirs assurent une bonne perpendicularité entre le portique qui sert de rail à l’axe X et ses deux supports servant de rail à l’axe Y .

-un système de levage pour suspendre la machine et la ranger en hauteur. Elle mesure plus de deux mètres par un, bientôt un peu plus avec le 2nd rail Y, autant dire que ça occupe de la place dans l’atelier, même quand je ne m’en sert pas.

-carters de protection des pièces imprimées contre la chaleur

-un système de support des tubes plus efficaces. Le mandrin du 4ème axe, l’axe « A », ne tient qu’une extrémité du tube à découper. Pour éviter le porte-à faux, la flexion du tube sous son propre poids, des roulements servant de support sont installés sur un « sabot » en plastic. Ce système est positionnée et déplaçables le long d’un rail installée sous le tube à découper. Les tubes ronds peuvent rouler directement sur les roulements, mais il faut que ces supports maintiennent le tube à découper dans l’axe A, autrement dit parallèle à l’axe Y. Pour différents diamètres, il faut donc ajuster la hauteur de des roulements. Et pour les profilés non ronds, les roulements maintiennent des pièces imprimés, des « disques » intermédiaires de supports. Elles sont circulaires sur leur rebord extérieure, et ont en leur centre un trou de la dimension du profilé souhaité, pour pénétrer les dits profils dans la pièce imprimés avec aucun jeu. Ce sont autant de pièces différentes à imprimer, et parfois un nécessaire ajustement de la hauteur des roulements qui les soutiennent, rien de très efficace donc. Outre la fusibilité des pièces imprimées si elles prennent trop de chaleur, ce système ne permet pas de changer rapidement de type de profilé à découper et limite la taille des profilés en entrant en collision potentielle avec la torche ou le porte-torche. Je ne vois pas de solutions miracle pour ce problème, seulement plusieurs ajustements, des entretoises et hauteur de roulements bien identifiées, et macros anti-collisions.

Un voyage inspirant

Bien de l’eau a passé sous les ponts, depuis le dernier article écrit sur le blog d’Atout Cycle.

Ce silence s’explique par deux choses passionnantes et chronophages. J’ai d’une part fait un voyage dans un pays à la culture vélo méconnue de ce côté de l’atlantique, la Colombie. Je vous relaterai ici cette expérience, avec une perspective centrée sur le vélo, sa pratique, ses cultures, sa fabrique et sa promotion par les politiques urbaines. J’ai d’autre part décidé au terme de cette expérience de m’orientation vers une stratégie de fabrication particulière, pour pouvoir construire des cadres, châssis et autres pièces diverses, celle de la découpe plasma à commande numérique, machine que je fabrique avec mes petites mains, et qui fera l’objet de l’article suivant.

La Colombie, terre de cyclistes mal reconnue.

Pour se ressourcer (donc notamment prendre des vacances) mais aussi s’inspirer, je suis retourné en Colombie, pendant 5 mois environ. C’est un beau pays, fort d’une grande diversité culturelle, musicale, paysagère, biologique de beaucoup de contraste, à l’ambiance souvent chaleureuse, spontanée, pleine d’improvisation et d’imprévus. C’est aussi un pays dans lequel la violence politique est terriblement ancrée, sur fond d’inégalités extrêmes ( et mal mesurables, narcotrafic oblige) de pauvreté, corruption et précarité, de pollution et désastres environnementaux. C’est enfin aussi un pays d’espoirs, parfois minces et patients, mais partagés par beaucoup, d’aller vers du mieux, un semblant de normalité, de bon sens, de justice, d’honnêteté et de dignité partagée.
Concernant les mobilités et la culture vélo, elles sont largement liée au contexte dont je viens de faire part. Ce serait plus complet en disant aussi qu’il y a aussi une culture sportive ancrée dans le pays, avec ses amateurs de courses cyclistes, (ses professionnels aussi, faut-il vraiment le rappeler ?) et aussi ses passionnées de nature et randonnées en VTT. Dans ce contexte donc, le rapport à la mobilité douce est pluriel, avec des mondes qui se connaissent peu, s’ignorent. Mon observation est centrée sur Bogotá et Medellin, car je suis surtout resté en ville.

Dans ce contexte nous disions donc, les amateurs de courses cyclistes ne font que de la route, ou regardent avec enthousiasme le Tour de France, tandis les plus pauvres on un usage largement utilitaire du vélo et d’autres véhicules légers. Beaucoup vivent du recyclage artisanal à partir des poubelles de leur quartier, revendent à des entreprises ce qu’ils auront trié, ou au puces les plus beaux trésors. La plupart tirent leur remorque à la force des bras.


Beaucoup de vendeurs ambulants déplacent leur fond de commerce en tricycles, fournis dans le cadre d’une convention avec la mairie de Bogota. Dans un pays ou 58% des emplois sont informels, tout se vend dans la rue. En-cas divers, boissons sucrées, café, grogs, Chicha et guarapos, (boissons fermentées traditionnelles), bières, mais aussi souvenirs, parapluie, bâche (??!), écouteurs et accessoires de téléphones, ventouse, crédits d’appel vendus à la minute, fruits frais, avocats, gadgets…

marchand de vapote ambulant


Il y aussi la logistique urbaines, les petits colis, sur de biciclettes « panaderas » lourdes, moches et increvables, et aussi des sortes de rickshaws pour passagers, sans doute moins cher que les voitures de taxis. Dans ce monde populaire, les considérations civiques ou écologistes ne sont pas nécessairement absentes, mais secondaires. On vend en tricycle, transporte sa marchandise ou ses clients par la force de ses bras, ou de ses mollets, parce qu’on a pas le capital pour faire autrement. Et dès qu’on l’a, on passe à la moto, à la camionnette on installe un moteur thermique sur son cadre de vélo. La mobilité active par nécessité, donc, mais avec beaucoup d’ingéniosité et de créativité dans la conception des engins. J’espère avoir le temps de retrouver et publier quelques photos ici, pour illustrer cet aspect fascinant.

Le dernier univers de cyclistes, les VTTistes ; je les ai forcément peu connus, dans les grandes villes. Certains vivent du tourisme et proposent de sympathiques rando guidées. Le VTT reste aussi utilisé en tant que véhicule utilitaire, pour les déplacements urbains quotidiens. C’est plutôt pertinent si on considère l’état de la voirie parfois calamiteux, mais de ce point de vue on peut être surpris de ne pas voir sur place ce qu’on appellerait ici des VTC. Sans doute ce qu’il y a de plus approprié pour sa versatilité en environnement urbain, sauter les trottoirs, affronter les nids de poule et pavés irréguliers, voire manquant. Ce pays n’a presque pas de VTC. Il n’y a pas de traduction courrament identifiée, si ce n’est « gravel ». Une connaissance de Bogotá, passionnée me racontait qu’elle tente de les promouvoir, en vend un peu, mais les VTTistes et amateurs de vélo de courses campent sur leurs positions respectives, rétifs à l’idée d’un véhicule hybride.

On remarquera par ailleurs que les vélos à assistance électriques sont marginaux dans ce pays. Ils gagnent incontestablement en part de marché, et ont sans doute de l’avenir, mais restent trop cher pour bien des habitants, qui préféreront par ailleurs s’acheter une petite moto s’ils peuvent investir.

Dans ce paysage segmenté, quelques entrepreneurs font leur chemin, dans la fabrication et vente de vélocargos. Certains acteurs sont depuis longtemps sur le marché du véhicule de commerce populaire, je ne les ai pas rencontrés faute de temps et de notoriété. D’autres se positionnent face à une tendance croissante, un usage utilitaire urbain pour une clientèle variée et plutôt milieux de gamme, jeune, et fournissent ainsi aussi bien des particuliers que des vendeurs ambulants, réparateurs ou livreurs . Ils fabriquent eux même, chez eux souvent, ou sous-traitent en réseaux court la fabrication du cadre, dans une ville nébuleuse de ses huit millions d’habitants et foisonnant d’artisans et de très petites entreprises.

A l’atelier

(Si les considérations techniques ne vous passionnent pas, je vous conseille de passer directement à la suite.)

J’ai eu l’occasion de visiter plusieurs d’entre-eux, pour observer leurs techniques de fabrications et d’organisation du travail. En donnant quelques coups de main également, pour apprendre sur le tas, se donner une légitimité dans l’atelier et sympathiser avec des « collègues d’un, deux, trois jours ». Les cadreurs ne constituent pas une espèce disparue en Colombie, moins qu’en France. Les coûts de la main d’œuvre y sont faibles, certains on pu survivre à la concurrence de la production asiatique. Mais de ce fait, on ne peut pas dire que cette activité est à la pointe de la technique. Les gueules de loups des tubes se coupent à la presse, les presses servent aussi à tordre des tubes leur imprimer une rainure (bases à l’arrière) ou un profilé ovale (tubes supérieur et tube diagonal à l’avant). Une meule de touret, suffisamment usée pour ne plus présenter d’arêtes saillantes (représentez vous une galette arrondie donc, plutôt qu’un cylindre) est redoutablement efficace aussi, à cette fin, pour un usinage à l’œil, d’une symétrie indiscutable. Mais si cela semble facile, je suppose qu’il y a aussi des années d’expérience derrière, pour enlever la bonne quantité de matière, et surtout pour enlever l’essentiel de la matière avant cela, en faisant au préalable la bonne petite coupe en V au bout du tube, bien centrée, au moyen d’un disque de découpe installé sur le 2nd côté du touret.

Une fois la découpe faite, les tubes sont mis en positions sur des gabarits de soudage basiques et efficaces. Un jeune soudeur déjà aguerri soudait alors l’ensemble du cadre en 10 minutes., Parfois les pièces mal usinées était retravaillé de quelques coup de marteaux pour bien épouser les tubes voisins, éventuellement (rarement en réalité) d’un coup de meuleuse. Les vélos sont peints dans le même atelier, assez rapidement ensuite. Grosse hotte d’aspiration artisanale, masque de protection basique, puis passage au four.

J’ai apprécié de voir la vitesse de production avec ces moyens simples et, la façon décomplexée d’affronter les défauts de qualité (au marteau comme je disais) Cette vision simple et pragmatique du travail contraste avec la peur que peut avoir un cadreur débutant, de mal faire, son manque de confiance et par là même de sentiment de légitimité. On peut cependant penser que ce semblant « d’arrachitude » cache une expérience certaine et une organisation rodée. Les matrices de coupe ou de compression des presses sont déjà ajustée, depuis des années ou quelques décennies, le savoir faire s’est accumulé et transmis au fil du temps, les nombreux gabarits de soudage dédié à chaque dimension et modèle de cadre révèlent aussi un long travail de conception et d’ajustement. C’est souvent en voyant un virtuose modeste à l’épreuve qu’on croit un exercice facile. Je n’ai donc pas voulu trop m’inspirer de ce que j’ai vu. Par ailleurs, l’emploi des presses est problématique. Chères, encombrantes, requérant des ajustements et la fabrication de matrices propres à chaque usage, c’est une technique bien trop lourde à mettre en œuvre à l’échelle individuelle. On peut par contre retenir la pertinence d’une cintreuse, versatile et peu coûteuse à fabriquer suivant certaines méthodes. Il faut néanmoins là encore une expérience propre à cette outil, pour anticiper les longueurs formées, leur extension par le cintrage. C’est fondamental si on a besoin d’usiner le tube avant le cintrage.

Une politique volontariste

On ne pourrait par parler du vélo en Colombie sans expliquer une raison centrale à sa popularité, celle de la place qui lui est donnée.

Bogotá notamment, est une ville aux très nombreuses pistes cyclables. C’est elle qui compte le plus de km de voies ou pistes cyclables d’Amérique Latine, parait-il. Il faudrait relativiser pour être juste. certaines voies sont largement utilisée par les piétons ou les échoppes dépassant leur limites légales, lorsqu’elles sont tracées sur des trottoirs. Leur qualité n’est pas toujours meilleures que celle des voiries ou des trottoirs en général, si bien que leur usage peut rester sportif ou aventureux. Malgré cela la densité de voies cyclables reste remarquable et louable.

En outre, une part conséquente des voies de circulation sur les axes majeurs de la ville est interdite aux voitures le dimanche en journée, et donc laissée aux mobilités actives. Très populaire, cette mesure rassemble de nombreux promeneurs et déambulateurs. à pédale, mais aussi en rollers, en trottinettes, ou encore des joggers.

Les politiques d’aménagement et de rénovation de quartiers sont tournées vers la convivialité et la lenteur, avec la multiplication des zones de rencontres, l’installation de bornes décorées et de plantes massives aux milieux de carrefours pour créer des îlots sans voitures en forçant celle ci à contourner la cuadra. C’est pour le moment limité à quelques quartiers bohèmes faisant office de projets pilotes, mais le succès de ces aménagements pourrait bien en faciliter la propagation.

On notera aussi que Bogotá a enfin, depuis septembre 2022, son propre système de vélo en libre service. Cela fait longtemps que le service de mobilité de la ville bataillait pour cela, je ne me rappelle pas des facteurs de blocage, à part le financement. Une entreprise brésilienne semble parier sur sa rentabilité sans subvention importante sur ce marché, elle a le monopole et de nombreuses bornes disséminées dans la ville. J’ai eu en la matière des retours contrastés, mais ça représente une opportunité évidente pour initier, ou ré-initier une part des habitants aux joies et à l’utilité de ce mode de transport, à un prix raisonnable. (Avis aux voyageurs, il était en début 2023 encore impossible de se créer un compte pour utiliser ce service, sans la nationalité colombienne. Il faut sinon emprunter son compte à un habitant.)

Et les transports en communs ?

Pour ceux que a intéresse, il y a aussi de nombreux bus et des rêves de métro à Bogotá. Il y a même eu des trains urbains, des tramways, et aussi des trolleys vendus par l’union soviétique. Le Musée de Bogotá relate aussi rapidement l’histoire des transports en communs de la ville, et de leur percussions réciproques avec l’histoire politique nationale.
Le « Transmilenio  » désigne le réseau de bus sur les axes majeurs. Avec ses voies exclusives au milieu des boulevards, il semblent une solution efficace à une ville longiligne et trop souvent embouteillée par les voitures. Outre le gain de vitesse dû aux voies exclusives, ce système a le mérite d’ôter aux voitures de l’espace sur les voies principales, et donc d’en décourager l’usage. C’est un aspect important et connus de tous les aménageurs compétents, le désengorgement par la création de nouvelles voies pour véhicule particulier ne fait que repousser le problème pour l’accroître à terme.
D’autres bus prennent le relais pour alimenter les quartiers loin de ces axes, sans voies exclusives, et constituent la partie « capillaire » du système de transport public.
Si ce système est efficace, il n’est pas suffisant, au regard de la taille de la ville. Les heures de pointes restent problématiques, et les heures perdues dans les bouchons très importantes.
Pour y répondre, les projets de métro semblent sans fin dans la ville. On en parle depuis 50 ans au moins dans les sphères de pouvoir. Les projets sont sans fin, mais leur réalisations encore bien modestes. La question de la proportion des voies de métro aériennes ou souterraine relève à la fois du débat architectural, géologique, et de la polémique politique, puisque le clivage recouvre des luttes partisanes et électorales. Si tout n’est pas tranché, les ouvrages semblent néanmoins enfin entamés.

C’est toujours très enrichissant de voyager. On relativise, on apprend à apprécier, par contraste, des choses qu’on connaissait, qui nous semblaient évidentes ou acquises, d’autres choses qu’on découvre avec une fraîcheur teintée d’enthousiasme.
Sur les questions cyclistes, c’est encore la créativité colombienne qu’on retient et admire. C’est souvent la seule nécessité qui fait raison. Mais on peut tout à fait apprécier l’ingéniosité, le savoir-faire vernaculaire, le système D, sans en louer les causes, comme une culture peut survivre à sa genèse.

Roulements, tubes, diamètres : les normes de la mécanique vélo et nos libertés

Quand on veut faire un cadre de biporteur ou construire un châssis de remorque, se posent rapidement des questions précises et concrètes de dimensionnement. Quelle diamètre pour la gueule de loup de ce tube ? Où vais je trouver un tube rond dans lequel je pourrai insérer ce roulement de pédalier ou de direction ?

Des normes discutables

Si l’on souhaite acheter des pièces spécifiques au travail de cadreur, un avantage et deux inconvénients se posent.
-Avantage : les pièces sont déjà conçues et usinées pour la mécanique vélo. Elles correspondront aux besoin du milieu, que ce soit en terme de souplesse, légèreté, solidité de l’acier, ou de dimension des diamètres. Il n’y a pas quinze standards pour le diamètre extérieur roulement de pédalier. A ma connaissance, il n’y en a même que 3 encore pratiqués (sans parler des questions sens de taraudages et de pas de vis.) Peut-être un peu plus en vrai, avec des marques cherchant justement à se démarquer. Il n’y en a pas beaucoup plus pour les diamètres intérieurs ou extérieurs de jeux de direction. L’avantage des pièces taillées sur mesure pour les normes du secteur, c’est que tout est ajusté. Pas besoin d’aller chez le tourneur, ni de passer trop de temps à la meuleuse droite.
-1er inconvénient : ça coûte bien plus cher. Toutes ces pièces fabriquées pour le cadreur partent du principe qu’on est sur un marché de niche où on peut marger salé, que le cadreur indépendant lui-même est sur un marché de niche et a accès à des clients fortunés prêts à débourser sans trop compter pour un vélo unique, justement pour qu’il soit unique. C’est souvent vrai, mais regrettable. Les nantis sont le seul à avoir droit à l’authentique, à l’original, à se distinguer. C’est même une des fonctions de la richesse, non ? Je vous renvoie à vos bases, la consommation ostentatoire, notion d’un des 1ers chapitres du programme de SES de 2nde.
-2nd inconvénient : le manque de souplesse ; avec ces normes, on ne trouve pas nos tubes n’importe où, il faut les commander à l’avance, Attendre de se les faire livrer, ils n’auront pas nécessairement la longueur requise ou la solidité désirée pour un usage donné. Ce dernier point changera peut-être, dans la mesure où l’essor des vélo-cargos pousse en faveur de l’émergence de standards vélos adaptés à ces contraintes supérieurs de tenue mécanique. Mais là aussi, et même plus encore que dans le monde du vélo classique, les prix restent excessifs, réservés à des privilégies, nous renvoyant au premier problème mentionné. Il est en général difficile de faire du sur mesure dans ces conditions.

Exposé à ces problèmes, je me suis creusé le ciboulot et ai pas mal scrollé les catalogues de tubes. et ouverts des onglets, ces temps ci. Une passion bien insolite, scroller des catalogues de tube de ferraille… Si seulement c’était passionnant. Nécessaire certainement. En fait en y réfléchissant bien, il est possible et parfois nécessaire de sortir des carcans des normes du secteur. Pour cela il faut assumer de sortir des normes, envisager que ce soit possible, et là on trouve des solutions qui ouvrent de nouvelles perspectives.

Internet est ton ami

Pour composer avec les matériaux du marchand du coin, ou même avec les tubes du ferrailleur local, il est un miracle de tous es jours. Le monde de la mécanique est bien plus large que la mécanique cycle, et regorge de tailles et de dimensions variées, presque toutes disponibles en ligne. Il y a des tubes de nombreuses dimensions différentes, et des roulements tout aussi variés, souvent bien moins chers que les roulements de vélos. Scrollez, faites vos recherches, apprenez les dénominations et nomenclatures industrielles pour faciliter vos investigations, vous trouverez un peu de tout rapidement

Meuleuse et perceuses sont à internet ce que le vin est à tes relations amicales

Elles fluidifient, donne du jeu là où tu n’en trouvais pas. Si on peut trouver de nombreux diamètre, de tubes dans le magasin du coin et de roulements en ligne, tout n’est pas disponible. Il y aura souvent une moitié ou un dixième de millimètre par-ci par-là, qui poseront problème. C’est d’autant plus vrai quand on cherche un diamètre intérieur spécifique, alors que les normes de dimensions de tubes se basent sur des chiffres ronds quant aux diamètres extérieur. Qu’à cela ne tiennent, il restent possible de choisir des tubes un peu plus épais et enlever de la matière. S’il est nécessaire de trouver un tourneur, pourquoi pas, mais on peut déjà faire des miracles avec des outils à portée de main. La Dremmel et la meuleuse droite, pour gratter à l’intérieur bien sur. Mais aussi une perceuse pour faire pivoter une pièce et enlever de façon homogène de la matière sur l’extérieur. Pour cela, la perceuse à colonne et sa stabilité peuvent être bien pratique. Sinon, fixer sa perceuse au moyen de collier de serrage contre un plan de travail peut faire l’affaire. Enrouler la toile émeri autour de la pièce à amaigrir, lancer le moteur, vérifier de temps autres au pied à coulisse le diamètre atteint, et on obtient le résultat recherché. On peut aussi replacer la toile émeri par une meuleuse, bien pratique notamment quand on veut charioter sur une longueur limitée. Avoir une perceuse bien axée est ici important, de même que pouvoir régler la vitesse de sa meuleuse. On est rapidement limité par le diamètre maximal que prend le mandrin, auquel cas on peut envisager de souder par quelques points la pièce à un cylindre suffisamment mince, mais il faut alors évidemment bien centrer les pièces l’une par rapport à l’autre.
On s’improvise ici comme tourneur avec des outils rudimentaires. N’y voyons pas de mal. Le matériel de précision coûte une fortune. Les vélos, même vélo-cargos, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que les bagnoles et les machines de l’industrie, tant en terme de charges de travail de vitesses de rotation. La précision relative de ces procédés peut souvent suffire pour ces contraintes limitées avec un peu de bon sens.

La sous-traitance bienvenue : tourneur et découpeur laser

Il y a aussi des fois ou cela ne suffit pas : Faire appel au tourneur dans ce cas là. Pour des volumes conséquents, c’est toujours du bon sens. Et il y a aussi des nouvelles perspectives qu’ouvrent la sortie des standards de l’industrie du vélo : on peut faire soi-même des pièces qu’on envisageait pas de faire soi-même avant. Je prends un exemple inspirant de Véloma, que je remercie de leur accueil récent, la réalisation de fourche. L’industrie assemble les tubes de pivots par presse dans la couronne, mais on peut aussi le faire par soudage. A la place de la couronne de fourche La contrainte qu’opérera l’espacement de platines identiques, ayant chacune un trou pour le pivot et un pour chaque fourreau, permettent de garantir le parallélisme des trois tubes, sans déformations des angles droits liés la soudure. Ces platines peuvent être usinées de façon artisanal, mais on peut alors aussi envisager de sous-traiter la découpe des platines, des supports d’étriers de frein à disque, et acheter un lot de roulement adéquat : pourquoi pas un roulement de butée en bas, et deux roulements à aiguille de diamètre intérieur 30 mm ? on se contente alors d’un pivot de 30 mm de diamètre tant à sa base qu’à son extrémité haute, au lieu de 28.6mm en haut. Il n’y a pas de roulement de format 30x44mm ? Qu’à cela ne tienne, on prend un autre format de taille raisonnable, pour lequel on aura trouvé un tube au diamètre intérieur convenable ou facilement alésable.

Sortir des normes, mais faire du solide et opensourcer

Tout est plus accessible et adaptable de cette façon. Il y a cependant un bémol. On doit fabriquer des choses qui tiennent dans la durée. La maintenance doit être minimale et possible. Les roulements sont des pièces d’usure, dont la standardisation a le mérite de rendre le remplacement faisable par n’importe quel cycliste bricoleur ou vélociste raisonnablement compétent. Il convient donc de pallier à ce changement de paradigme, considérer ces contraintes au moment de choisir le matériel, et de rendre accessible l’information sur le format des pièces. Par exemple, on prendra des roulements épais quand ça n’affecte pas trop l’épaisseur et la rigidité des tubes et axes impliqués ; on préférera les roulements à aiguille ayant des bagues pour éviter l’usure de tubes qui n’auront pas eu de trempes, on peut aussi graver leur dimension pour rendre superflu le pied à coulisse au moment de les changer .

Une motorisation électrique OK, mais pour quoi ?

Parution de l’article d’origine :

Un petit rappel dans ce bref article. Le miracle technologique est souvent plus facile à imaginer que des changements individuels et collectifs face aux risques environnementaux actuels. Illustrations typiques, certains s’émerveillent depuis quelques années de la tendance à électrifier la mobilité, pour remplacer le moteur à explosion et ses émissions de gaz à effets de serre.

On serait plus avisé de considérer qu’un remplacement d’une technique par une autre, sans changer les règles du jeu et la promesse d’une croissance sans fin ne règlent aucun problème. Au mieux elles le déplacent et le repoussent à plus tard. On peut s’interroger sur les fondements inconscients de cet idéal de croissance et les intérêts matériels et politiques bien établis que son ancrage dans nos imaginaires préserve. Pour l’heure je vous invite en tout cas à considérer les dégâts de l’extraction de lithium, avec cet article.

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Je ne dis pas ici qu’il faut nécessairement éviter le lithium et la motorisation électrique qu’il permet notamment. Le principal avantage du lithium est sa densité énergétique (nombre de Watt heure accumulables / kilogramme de matière, pour un vecteur d’énergie électrique (donc potentiellement renouvelable). On peut stocker de l’énergie de façon plus propre. Mais plus facilement avec le lithium, sur un véhicule léger. Personnellement je trouve ça même potentiellement génial. C’est tellement potentiellement génial que Tesla et consorts ont décidé de fabriquer des véhicules un peu moins léger. Deux tonnes environ la bête, excuser du peu, pour transporter en moyenne une personne et demi, 100 kg de passagers.  Contre 11-15kg pour un vélo à assistance électrique, 20 kg et quelques pour un vélocargo transportant éventuellement 2-3 personnes. Le jour où il n’y aura plus de lithium au nom d’une prétendue transition énergétique ne questionnant pas nos besoins et notre démesure énergétique, on aura l’air malin d’avoir anéanti les écosystèmes des salares bolivien, chilien et argentin pour cette fuite en avant. Les flamands roses remercient Elon Musk.

Sur ce sujet je recommande une réflexion fondatrice il me semble, le texte facile à lire et court de Ivan Illich, Energie et équité.

Concluons donc que le lithium est certainement pertinent pour faciliter la prise en main de véhicule légers et le retour à des déplacements doux, mais ne nous sauvera pas plus de l’absurdité de la démesure. Et si on est sportif, jeune, ou pas trop pressé, et qu’on peut s’en passer, il faut y penser. Rien n’empêche non plus de ne mettre sa batterie sur son vélo que lorsque c’est nécessaire pour se délester d’un poids, voire même de changer la roue avant motorisée par une roue normale pour en enlever encore plus, ou d’opter pour un niveau d’assistance raisonnable, puisque la consommation suit une progression exponentielle en fonction de la vitesse qu’on en attend.